Si Survival Zero est un jeune groupe issu de la scène française, leur musique, entre le death mélodique et le mathcore, est un mélange à la fois mature et étonnant, qui vous fera secouer très fort les tifs. Rencontre avec Pierre, le chanteur du groupe le plus fascinant de ces derniers mois.
Metal-Actus : Vous venez tous d’horizons différents, notamment d’Embryonic Cells, groupe de Black metal. Comment vous vous êtes retrouvés sous cette seule et même bannière qu’est Survival Zero ?
Pierre Lebaillif (chant) : On se connaît tous d’avant, et on est, pour la plupart, des potes de très très longue date. On a même eu des groupes ensemble. J’ai lancé un peu l’initiative du projet en faisant écouter des idées de chansons à Thibault, notre batteur : on a jammé dessus quelques mois, et après on s’est tourné vers d’autres copains, Ben, Régis et Pierre qui ont pu apporter leur patte, leur touche, leur sensibilité à notre son. Même si on a créé les fondations de Survival Zero avec Thibault, rien n’a été imposé, bien au contraire. L’arrivée de chacun des membres du groupe a fait évoluer le groupe et sa musique vers le haut.
Quel est la signification de votre artwork ?
C’est lié à la signification des paroles de l’album : j’ai puisé dans un moment de ma vie où j’avais été malade – j’ai fait une dépression – et je m’en suis guéri avec l’aide des soignants. J’ai essayé de poser des mots là-dessus et sur le cheminement vers le haut par lequel je suis passé. C’est ce à quoi fait référence le titre de l’opus et ses paroles. Mais parfois, on ne prend pas forcément des directions qui nous amènent là où l’on voudrait, et on tombe sur un cul-de-sac ! L’artwork représente ça : tu as cette crise à vide dans le bas de la cover, on sent ce personnage central assez sombre, en méditation avec un visage assez neutre, et les quatre squelettes sont la représentation de ces voies sans issues qu’il a pris et qui font tout de même partie de son histoire. Tout le monde, dans sa vie, connaît des échecs, dont on peut forcément en tirer des leçons qui sont importantes.
Peux-tu m’en dire plus sur le clip du morceau-titre ?
C’est un morceau qui intervient au début de l’album : il est un peu conceptuel, il a son histoire propre mais il y a quand même un point de départ, avec l’introduction et le morceau qui suit «The Old Man’s Path», à savoir l’état d’esprit avant de commencer l’ascension. Et dans «The Ascension», cette dernière démarre. Dans le clip, il y a l’idée d’un enfermement, et d’une volonté de s’en extirper. Mais avant d’en sortir, on fait face à soi même : alors il y a d’autres personnages qui interviennent, mais peut-être qu’ils n’existent pas, que c’est la propre folie liée à l’enfermement du protagoniste principal qui les a créé. Il faut alors s’en débarrasser pour aller de l’avant et commencer cette élévation.
A propos de «Degnration», votre morceau le plus groovy, que peux-tu m’en dire sur sa conception ?
Le premier riff de la chanson est le premier qui nous ait venu en tête quand on s’est mis à composer. Et c’était plus de l’ordre de la blague à vrai dire car il ressemble vachement à du vieux Metallica ce riff, de la période «Ride The Lightning» (rires) ! Et en fait, l’idée me plaisait ! Sauf que derrière, c’est un morceau un peu à tiroirs, on a dans la première partie ce côté thrash brutal, et dans la deuxième partie, il y a ces arpèges au milieu, donnant un côté un peu tribal, et ça se finit sur un breakdown ! Et dans sa conception, le morceau dégénère à un moment. Et c’est comme ça que le titre est venu en fait. Dans les paroles, j’évoque des moments où ça déraille dans l’esprit de quelqu’un, comment il fait face, toujours avec ce rapport à l’isolement et la folie que ça génère, qui est quasi présent sur toutes les chansons.
Que peux-tu me dire sur «Fondations» ?
Il a ce titre-là pour deux raisons : déjà parce que c’est le morceau qui est à la base de tous les autres. J’ai mis beaucoup de temps à définir la structure du morceau parce que j’avais un riff, puis un deuxième, puis un troisième … et ces riffs, qui étaient de base pour ce morceau-là, ont atterrit sur tous les autres titres de l’album. Il a donné naissance au reste, en tout cas pour moi dans les propositions initiales que j’ai pu faire. C’est vraiment la fondation du groupe, sa base. Après, dans les textes, j’évoque beaucoup l’espace : je suis très inspiré par la littérature, notamment celle de science-fiction. Je suis très inspiré par Isaac Asimov et sa série d’histoires, «Fondations» : il fait voyager ses personnages, il les fait faire se confronter à des bouleversements à l’échelle de toute l’humanité, des choses plutôt négatives mais pour reconstruire derrière quelque chose d’autre, de plus positif. Dans les deux derniers romans de ce cycle, et surtout dans le dernier – pour rappel l’humanité a colonisé la voie lactée, et il recherche la planète des origines – j’y vois la métaphore de l’humanité qui recherche son berceau, qui recherche ses origines. Et à l’heure actuelle, on ne vit que sur une seule planète, mais il y a déjà une quête que l’humanité entreprend sur ses origines par la science, par la philosophie, même par les religions … Le morceau parle de ces chemins qu’on parcourt pour retrouver ses bases, des bases solides, et se construire peut-être autrement. Après, musicalement, c’est un morceau qui a quand même, maintenant – et il y a des gens qui nous l’ont fait remarquer, ce serait mentir que de le nier – une grosse influence Gojira : on a ce côté massif avec les dissonances créés par les accords de guitare, ce qui n’est pas forcément très commun, qui se conjugue avec un côté assez épique.
«Cold Spot» est votre intermède instrumental de plus de deux minutes. Pourquoi l’avoir choisi de mettre dans cette position précise dans la tracklist de l’album ?
On a essayé, sur tout l’album, d’avoir un enchaînement des titres qui soit le plus logique possible, en tout cas pour nous. Je te disais que sur «Fondations» il y avait des riffs qui étaient nés de sa composition qui ont donné naissance aux autres morceaux de l’album, donc il y a ce genre de liens entre les chansons. Mais à un moment donné, il faut arranger tout ça dans la tracklist d’un album. On a, de façon inconsciente essayé de réfléchir comme dans un film, avec son introduction qui pose l’environnement et les personnages, son développement d’une ou de plusieurs histoires, avec un rythme propre à chaque histoire. «Cold Spot» permet de chapitrer un peu l’album avant son final. Et puis c’est bien des respirations instrumentales aussi. Je suis le chanteur du groupe, mais je n’aime pas les groupes où il y a trop de paroles, où on entend trop la voix tout le temps ! (rires).
Comment s’est passé la release party virtuelle de samedi ?
Ce n’était pas en direct ! On l’avait enregistré au préalable parce que les disponibilités de chacun n’étaient pas toutes simultanées, entre le télétravail et les reprises d’activité. On voulait aussi garantir un contenu assez qualicatif parce que je ne te le cache pas, quand on a enregistré ça, il y a certains moments où les private jokes ont un peu trop pris le pas sur le reste (rires). On n’a pas voulu faire un truc trop sérieux non plus mais on aurait fait une émission de 5h30 si on avait tout laissé (rires). Je pense que la playlist a plu aux personnes, c’était assez varié car on a diffusé que trois extraits du nouvel album ! Pour le reste, il y avait une dizaine de morceaux qui passaient de Tool à Dissection, de The Black Dahlia Murder à Slipknot.
Vous avez des pistes pour des concerts après cette épidémie ?
On ne sait pas dans quelle mesure on va pouvoir assurer nos concerts – qui ont été reporté -mais dès que possible, la priorité, ce sera de bouffer des kilomètres pour faire nos shows. Des associations commencent à nous contacter pour des concerts, on fait aussi quelques démarches de notre côté. Mais c’est difficile, car tout le monde navigue à vue. On a bon espoir de reprendre les concerts à l’automne. On verra bien.
Un dernier mot ?
On parlait des concerts à l’instant, alors au nom du groupe, je transmets nos salutations et notre soutien à tous les acteurs de la culture, quels qu’ils soient et pas uniquement dans la musique. Je pense que c’est l’un des milieux qui morfle le plus, qu’on sous-estime même économiquement alors que ça a un poids assez monstrueux !!! On remercie les lecteurs de Metal-Actus et les gens qui nous suivent malgré le confinement, qui nous envoie des remerciements et des salutations : on est très touchés ! Et on espère très vite pouvoir reprendre le chemin des concerts, faire de la musique et vous rencontrer en vrai !