A l’occasion de la sortie du nouvel opus de T.A.N.K., « Symbiosis », Metal-Actus a pu s’entretenir avec Clément Rouxel et Raf Pener, respectivement batteur et chanteur de la formation. Retour sur cette rencontre.
Metal-Actus : Pourquoi avoir choisi « Symbiosys » comme titre ?
Clément Rouxel (batterie) : C’est notre troisième album. Je ne vais pas faire le coup de « c’est l’album de la maturité » (rires) mais il se trouve que c’est une suite logique, car cet opus est la symbiose de ce qu’on a fait avant. On a un un peu du premier et du deuxième album dedans, autant musicalement que visuellement : le un plus un a donné un a donné trois. C’est le côté Jean-Claude Van Damme du truc (rires).
Une symbiose des premiers et deuxièmes albums qui se voit sur cet artwork donc ?
Exactement ! Et cela nous a permis, puisqu’on fait totalement confiance à Ludovic (Rusalka Design) qui fait la pochette : nous, on ne fait pas dans l’univers graphique puisqu’on est très mauvais là-dedans et à chaque fois cela a été très compliqué.Il est devenu carrément un membre du groupe. C’est lui maintenant qui se tient à ce que nous, on ne sait pas faire, à savoir notre univers graphique. On lui a fait entièrement confiance ! On lui a dit : » Qu’est-ce que l’album t’évoque ? » et avec le titre, « Symbiosis », ça lui a évoqué ce mélange. Et même si de nos jours, cela se fait de moins en moins, on tenait à faire un beau CD, avec un beau livret. Cela ne se fait plus beaucoup ! Mais on tenait à le faire.
D’ailleurs vous l’avez financé via une campagne de crowdfunding. Que pense-tu de cette pratique, de plus en plus récurrente dans le milieu ?
Je n’en pensais pas grand chose avant, car je ne connaissais pas bien ce procédé. Pour ce troisième album, on a démarché, des labels sont venus nous voir…. Comme tout le monde le sait, le marché de la musique est en train d’évoluer et de se casser la figure : en fait, les grandes majors n’ont pas su rebondir assez vite et leur fonctionnement s’est inversé : maintenant, tu dois les payer . Nous, à notre niveau, groupe de metal en France, le but était surtout de ne pas devenir esclave d’un label, si c’est pour des choses qu’on peut faire par nous-même . Donc on s’est retrouvé à se dire à un moment que, financièrement, on tente un coup de poker, parce qu’on va se retrouver dans une impasse : on le savait, car on a un clip qui est en préparation, on a des frais parce que, de toutes façons, un groupe, c’est cher, la promotion à assurer, … Et franchement, en allant sur ce crowndfuding, on ne savait pas du tout où on allait. Et on a demandé de l’agent et on s’est dit « Allez, on envoie ». Et au final, les gens nous ont permis de continuer à exister et cela nous a touché et reboosté de voir qu’on a eu 109% de ce qu’on demandait. Et cet argent, qui ne couvrira absolument pas tout, nous aide énormément et nous galvanise. Et c’est génial.
Maintenant, ce que j’en pense, c’est que c’est cool ! (rires) Beaucoup te diront la même chose, mais on a été très étonné par la solidarité et l’engouement des gens : ils font partis du processus, ils nous ont subventionné d’une certaine façon, chacun à son échelle, et cela a créé une proximité entre nous. Cela fait plaisir dans ce monde de brutes de voir qu’il y a encore des gens solidaires.
Revenons à votre album : je l’ai trouvé à la fois plus sombre, plus violent, mais en même temps plus progressif. Avez-vous eu des expériences, peut-êtres personnelles, qui ont été le moteur déclencheur à la composition de cet opus ?
C’est un album qui a été très douloureux dans son processus parce qu’il a eu un ingrédient que nous n’avins pas jusque ici, beaucoup d’emmerdes. On a eu pas mal de malheurs et on a eu très très peur que cela donne un album qu’on n’a même pas envie d’écouter. Et quand on eu la galette entre les mains, on était soulagés, car on eu a beaucoup de plaisir à l’écouter. Cela nous a renforcé, ressoudé car, malgré tout, on a réussi à faire quelque chose que les gens aiment. C’est vrai que jusque ici, on n’avait pas eu autant de problèmes, d’embûches sur la route, comme le groupe avait pris un peu d’ampleur, il y avait pleins de choses autour qui posaient problèmes. On ne peut qu’en tirer du meilleur ! Autant voir le côté positif : ça n’a pas été facile, on en a chié, et si ça transpire un peu, c’est tant mieux.
(Raf Pener (chant) nous rejoint)
Du côté des guests, Björn « Speed » Strid de Soilwork pousse de la voix sur votre opus. Comment s’est passé votre collaboration ?
Raf Pener (chant) : On est passé par ce qu’on a toujours fait : internet, le super outil ! (rires). Il permet de contacter des gens à l’autre bout de la planète en deux secondes. On s’est dit qu’on aimerait tellement avoir Björn car c’est un des rares chanteurs sur lesquel on était tous d’accord, un des rares groupes dont on est tous fans. On aime des choses très différentes les uns et les autres. Donc l’avoir avec nous est vraiment une sorte de consécration, c’est un putain de rêve quoi (rires). On l’a tout simplement contacté : et je pense que le fait qu’il connaisse Jon Howard, avec lequel on avait déjà collaboré et David avec lequel on a enregistré les albums faisait qu’il savait plus ou moins dans quoi il mettait les pieds. Et puis je pense qu’il a bien aimé le morceau que nous lui avons envoyé. En tout cas je l’espère (rires).
C : Il n’avait pas l’air de le trouver pourri. En tout cas, aux dernières nouvelles, ça allait (rires).
R : On l’avait composé en pensant à lui effectivement. On a eu deux trois échanges de mails, puis il l’a enregistré chez lui, avec les idées qu’on avait et il a fait quelques propositions, et puis c’était fait. On avait le morceau bien avant l’album. Et quand ça alait mal, j’écoutais ma pré-production, donc avec des sons dégueulasses mais avec la voix de Björn dessus : ça me redonnait le sourire et c’était reparti pour bosser.Pour un featuring sur notre album, on ne pouvait pas mieux rêver. Franchement, on a eu beaucoups d’emmerdes pour le composer, par contre, j’ai l’impression qu’il y a une sorte d’équilibrage des choses maintenant, que ça se passe un peu mieux.
Le karma donc ?
R : Ouais, c’est ça (rires)
C : Il y a aussi quelque chose qui nous a pas mal aidé : les choses au niveau interne ont bougé, et on a un nouveau guitariste, Charly Jouglet, qui, pour le coup, est tellement un vent frais!! Le fait de se séparer de quelqu’un qui n’était plus dans le groupe dans le sens où il n’était plus avec nous pour passer à quelqu’un qui est motivé, frais, positif, disponible (rires) avec pleins de riffs et il habite à Reims ! Mais tu sais, en interne, tu te prend beaucoup plus la tête et tu galères (rires). Il faut le dire mais là, c’est cool, on est bien.
Et il n’a pas eu le droit à son petit bizut Charly ?
C : Oh que si (rires). On est un groupe de metal, donc forcément, on a une part un peu con (rires). Une bande de 5 mecs, ça se tire rarement vers le haut (rires). Bon, il y a un petit nouveau qui arrive, donc je ne dis pas qu’on lui a mis un coup de fer chaud sur la rondelle (rires). On lui a montré un peu comment ça se passait.
R : c’est cool car il y a quelques mois, on avait fait un petit concert de chauffe, un petit sympathique avec pas trop de monde, un truc bien tard dans la nuit pour lui faire un bon petit dépucelage de scène. Et c’était cool car ça faisait tellement plaisir de le voir avec la banane tout le temps, aussi motivé et puis il a très bien géré.
C : Il est intermittent du spectacle. Il vit de la guitare : il compose des trucs, notamment avec son ordianteur, super balèzes, pour des films, des jeux vidéos … C’est un musicien vraiment accompli. Et ce qu’il lui manquait, c’était son groupe de metal.
R : Il est bien tombé et il est bien arrivé. C’est comme s’il nous disait « ooooouuiiii sortez moi de là, je veux faire du metal ». (rires)
J’ai été surprise d’entendre une voix féminine, chose que je n’ai pas entendu sur vos deux premiers albums. Comment avez-eu l’idée de l’intégrer, et pouvez-vous en profiter pour la présenter ?
R : Jessy Christ est la chanteuse d’un groupe d’indus goth qui s’appelle Syndro-sys. C’est une amie de longue date : c’est comme ça qu’elle s’est retrouvée sur ce projet. Mais à la base, on n’aurait jamais imaginé, surtout Clément ou moi, avoir une voix féminine sur nos albums parce que ce n’est pas le genre de truc qu’on écoute, c’est plus celui d’Olivier et Nils, le bassiste et guitariste de notre groupe. Et il se trouve qu’un jour, Olivier a dit : » Bon les gars, vous allez probablement me jeter des pierres, mais voilà, j’aimerai bien mettre une voix comme ça à ce moment là. » Et il nous a envoyé un bout de morceau avec une superbe voix de tête qu’il avait enregistré lui-même avec le micro de son ordinateur. Et on a répondu « Ouais, ça défonce » (rires). Il n’y a pas d’explications, on a juste pensé que c’était une bonne idée, qu’on avait ça nul part, et que, voix féminine ou non, c’était cool. Il se trouve qu’après, dans le sens du morceau, ça avait du sens que ce soit une jeune fille qui le fasse. On connaît Jessy depuis longtemps, elle a bien aimé faire ça je pense.
C : Ce n’est pas traité comme une voix qui chante comme dans Nightwish, c’est limite quelque chose d’assez anecdotique. Elle contribue à apporter quelque chose dans le morceau.
R : Une ambiance.
Tu as évoqué plus haut la place du metal en France. Est-ce que vous pouvez un peu plus développer là-dessus ?
C : Ce qui est fatiguant et contradictoire en France, c’est qu’on est un pays avec de vieilles histoires, de râleurs, mais ça ce n’est pas nouveau, mais aussi de pessimistes. Et moi, je ne me reconnais pas là-dedans parce qu’on passe notre temps à se dire qu’il n’y a plus rien à faire et quand tu vas ailleurs, tu ne retrouves pas ça : il y a tout à faire maintenant pour eux. Et nous, on est en train de tourner en rond et de se perdre parce qu’on se ferme nous-mêmes des portes. Il faut se dire que, dans n’importe quelle société, la musique et les trucs artistiques, il y en a. Il y en a besoin. Nous, on le fait parce que c’est ce qu’on aime, et on emmerde ceux qui pensent qu’il n’y a plus rien à faire et que tout est déjà foiré : on va même essayer de s’exporter. Mais on a aussi besoin de s’occuper de nos racines, de petits groupes prometteurs locaux. Olivier et moi, venons de Seine-et-Marne, on essaie de re-participer un peu à la vie culturelle de là-bas. Et on a vu de bons groupes. Mais vraiment, il y a des trucs hallucinants ! Encore la semaine dernière, je suis tombé sur une formation du coin qui s’appelle Fallen Night et qui est une tuerie en live. Quand de nos jours, tu fais partie d’un collectif artistique, tu as comme seul but de créer, quelque chose. Que ce soit apprécié par beaucoup de gens ou pas, c’est un super but. C’est mieux que de glander dans la rue et de foutre le bordel. Et ici, tu pars avec tous les éléments contre toi. Alors faîtes ce que vous avez envie de faire, ce que vous pensez être le mieux et faîtes le en faisant reculer les idées de merde. Parce que à force de vouloir faire comme tous les autres, on devient un pays dortoir. On a la plus grande culture ! Et ça, ce n’est plus possible.
R : On se retrouve à avoir des bons groupes qui arrive à s’exporter on pense à Gojira, Dagoba, Benighted, et tant d’autres. Mais d’autres, qui sont là, n’ont aucune structure pour pouvoir les aider et ils doivent se démerder par eux-même. Ce n’est pas facile, car personne ne les aide, et ils sont perdus dans la masse et perdu dans la galère que c’est.
C : c’est peut-être une espèce de sélection naturelle ? (rires) Non mais on a de la matière, mais on ne sait juste pas les exploiter. Il le faut.
Un dernier mot ?
C : Quelque chose à ajouter et bien tout simplement aimez la vie : faites ce que vous aimez, et soyez heureux ne serai-ce que pour donner l’exemple.
R : Merci d’être arrivé jusqu’à la fin de l’interview (rires), merci de nous soutenir, de continuer à se bouger le cul en concert.
C : Et venez-nous voir en concert, on fait notre musique aussi pour rencontrer les gens.
Réalisé au Hard Rock Café le 7 octobre 2015