Après trois années de patience, Malemort, toujours emmené par Xavier au chant, nous offre leur troisième album, « Château-Chimères », concept hommage au Château d’Hérouville, dans l’Oise. Alors qu’il semblait impossible de surpasser le dernier opus de la bande, « Ball Trap », le groupe vient de relever le défi en livrant l’un des meilleurs albums musicaux français de l’année.
Il faut dire que sur le papier, le concept, assez original (raconter
douze moments de la vie du Château d’Hérouville, premier studio d’enregistrement
en résidence de France et du monde, créé par le compositeur Michel Magne)
semblait assez casse-gueule : pourtant, le Malemort arrive à nous plonger
dans son histoire déjantée et rock avec passion mais surtout une grande
fascination. Celle qui, après son écoute, vous fera scroller des pages entières
de Wikipédia et d’autres articles web à la recherche de la moindre information
sur la folle vie de ce haut lieu des années 1970.
Musicalement, « Château-Chimères » s’affranchit de tous les codes et de toutes les barrières des genres musicaux. Chacune des chansons a sa caractéristique propre : plus metal pour « Quelle sorte d’homme », plus grunge pour « Pyromane Blues », avec quelques petites notes de pop acidulée sur « L’Eau Des Fossés » ….Et le tout marche à la perfection et donne l’impression d’un véritable voyage rock, immersif et fascinant à la fois, à travers le passé glorieux du Château d’Hérouville. Le duo de guitares des deux Sébastien (Berne et Lafaye) fonctionne à merveille et Xavier semble bien plus posé et sûr de lui concernant son chant. On s’amuse, tout est bien ficelé, bien produit. Bref, vous ressortirez de votre écoute avec un énorme sourire et une patate d’enfer !
Cette galette est une immense réussite pour Malemort : avec « Château-Chimères », ils rendent non seulement hommage à un grand lieu pour la musique, mais aussi à de grands musiciens. Et j’y vois personnellement une certaine déclaration d’amour à une époque florissante pour l’industrie musicale, aujourd’hui révolue. Une pépite, qui deviendra un album majeur dans le paysage rock français. Et est déjà un des albums de cette année !
On peut dire qu’on l’aura attendu de pied ferme celui-là ! Les Malemort reviennent enfin en cette rentrée avec une nouvelle galette, « Château-Chimères », autour du Château d’Hérouville dans l’Oise. Xavier a accepté notre interview pour nous en dire plus sur cet album très particulier.
Metal-Actus : Salut Xavier, et merci pour le temps que tu nous accordes ! As-tu eu déjà des premiers retours sur « Château-Chimères », le nouvel album de Malemort ?
Xavier (chant) : Oui, on a déjà pu prendre la température durant notre journée promotionnelle de vendredi. Et au vu de tous les retours qu’on a eu, je suis heureux de voir que nous sommes sur une très bonne lancée. Ce qui est inédit, c’est qu’on a organisé une prévente importante avant la sortie officielle de l’album, durant laquelle on s’est engagé à ce que tout le monde reçoive son disque avant la date butoire . Et on a eu pleins de messages à la suite de nos envois, adorables, nous complimentant sur l’opus. En faisant cela, on ne s’est jamais autant senti aussi proche de notre public. Côté presse, on ne reçoit que des louanges, et Rock Hard en a fait son album du mois!
Une prévente qui s’est d’ailleurs effectuée via le site KissKissBankBank, ce qui est assez original en soit !
On voulait avec KissKissBankBank, par un moyen détourné, toucher notre public avec des préventes à l’ancienne. Bien évidemment, cela nous a permis aussi d’obtenir un apport de fond qui nous servira pour la suite des événements …. Mais le fait de demander spécifiquement à nos fans de l’aide pour financer notre album m’aurait, à titre personnel, mis mal à l’aise.
Vous êtes un groupe qui monte en puissance, et ce, depuis vos débuts. Il y avait énormément d’attente sur « Château-Chimères », d’autant plus qu’il a mis un certain temps à arriver avec tout le contexte créé par la pandémie. Ressentiez-vous une certaine pression, de devoir vous montrer à la hauteur, et plus particulièrement, de « Ball Trap » qui avait remporté un gros succès ?
Au moment de la sortie de « Ball Trap », nous avions déjà composé certains des morceaux de « Château-Chimères », que nous jouions en live, ce qui nous permettait de voir les qualités et les défauts de chacun d’entre eux et d’ajuster en fonction. Nous étions donc très confiants dans nos titres, on savait ce qu’on avait envie d’ajouter, si on voulait aller plus loin. Non, nos craintes concernaient surtout sa réception, car, comme tu l’as toi-même souligné, il allait être très compliqué de passer derrière « Ball Trap ». Est-ce que notre public allait accepter quelque chose de nouveau ? On a été rassuré de ce côté-là.
Tu dis dans le « Grimoire » donné à la presse que c’est la consécration d’un vieux rêve pour toi. Tu peux m’expliquer quelles en sont les origines, les racines ?
J’ai emménagé à trois kilomètres de ce château il y a plus
de dix ans. Il était alors encore abandonné. Et j’ai entendu des histoires dans
mon villages, de la part de personnes âgées, que je ne croyais pas jusqu’à ce
que je fasse mes recherches. Et j’ai été d’emblée fasciné…. Ce château
représentait la pointe de la révolution musicale de la folie des années 1970 !
C’est devenu une source d’inspiration pour moi…J’ai alors commencé à regrouper des informations – parcellaires
du coup – sur ce château. Je voulais en faire notre deuxième album mais je ne
nous sentais pas encore mûrs pour ça. Donc on a décidé de sortir plutôt « Ball
Trap ». La fin de la dernière tournée avait été compliqué pour moi – et
donc je me suis remis à ce projet.
Du coup je suppose que vous n’avez pas rencontré des gens en relation avec le château (d’anciens propriétaires par exemple) dans le cadre de l’élaboration de la galette ?
On a tenu à rester à une certaine distance pour éviter l’effet
manuel d’histoire. On voulait créer du neuf sur une vibration présente.
Comment réussir à tisser, construire quelque chose musicalement autour de ce château ?
Il était évident qu’on ne pouvait pas construire une grosse histoire, on a alors choisi douze instantanés, représentés par chacune des chansons, pour pouvoir coller au mieux à la légende du château. Mais cela permet aussi de donner plusieurs sens et une libre interprétation du morceau, et c’est quelque chose que j’essaie de faire dans l’écriture de mes paroles. L’un de nos musiciens a, par exemple, cru que l’un des morceaux de « Château-Chimères » parlait de sa vie personnelle ! Au niveau de la musique, j’écris en général le point de départ de chaque morceau avant de le balancer à Sébastien Berne, notre claviériste et notre guitariste, et je lui laisse carte blanche. La seule chose sur laquelle on était raccord dès le départ était qu’il fallait absolument éviter un son seventies, que ça reste toujours estampillé Malemort par l’ambiance, le son et l’énergie.
« L’Eau Des Fossés » est consacré à Elton John, notamment par des sonorités sorties de ses morceaux ! Que peux-tu me dire sur l’histoire que tu as choisi de raconter ?
Cette chanson porte sur l’amitié entre Elton John et son parolier, Bernie Taupin: le premier va profiter de la vie jusqu’à la folie, quitte à se démolir, alors que le second, plus calme et réservé, fuit cette vie de paillettes. Il va pourtant se montrer présent pour lui aux heures les plus sombres de sa carrière. C’est une chanson mi-figue, mi-raisin, douce amère.
Est-ce que l’incendie du château était un instantané qu’il fallait absolument traiter, dans « Pyromane Blues » donc ?
Tout à fait ! Cet incendie, c’est, pour moi, l’allégorie de ce qui peut arriver de pire à un musicien. Michel Magne, à l’époque propriétaire du château, a perdu des centaines de partitions, de matériel …. des heures de travails envolées, parties en fumée ! Cela finira d’ailleurs par le détruire. De plus, c’était, selon moi, le signe avant-coureur de la chute de ce château !
Et justement, maintenant que ce château a été restauré (aujourd’hui, c’est de nouveau un studio d’enregistrement), penses-tu qu’il peut, de nouveau, revêtir sa gloire d’antan ?
Je lui souhaite de tout mon coeur, mais je suis de ceux qui croient que le destin ne passe pas au même endroit deux fois. Les temps ont changé, et aujourd’hui, l’individualisme est tel que personne ne se voit enfermé en résidence pendant deux mois pour faire un album. De plus, les labels sont actuellement en manque d’argent et ne peuvent financer ce genre de choses…
Concernant « Quelle Sorte D’Homme », on pourrait penser que ce morceau a été créé pour faire la jonction entre « Ball Trap » et « Château-Chimères ». Est-ce le cas ?
On ne l’a pas pensé comme ça, même si on nous l’a déjà dit. On ne voulait pas mettre en place une continuité entre nos deux albums. Effectivement, je vois pourquoi beaucoup pensent que c’est un morceau « pont » avec notre précédent opus – il a des riffs lourds et un refrain marquant et sautillant. On a cependant différents sons de guitares, plus présentes dans la vélocité. Sébastien est d’ailleurs très fort pour écrire des solos qui vont venir servir le propos du morceau, et non mettre en avant le guitariste.
Comment s’est faîte la collaboration avec Dan Ar Braz ? Car je crois savoir qu’au départ, vous vous êtes juste rencontrés pour parler du Château !
De base, il était hors de question de mettre des collaborations dans l’album, car le lien que j’ai avec celui-ci est trop personnel. Même dans notre entourage je ne voulais aucun featuring. On a rencontré Dan Ar Braz, que certains d’entre nous ne connaissaient pas, pour lui acheter du matériel. Et en discutant un peu, on s’est penché sur la carrière du bonhomme : et il nous a dit qu’il a enregistré 7 de ses albums au Château ! On s’est rappelé pour échanger à ce sujet, et il est devenu une source inattendue d’informations pour nous ! Le hasard fait bien les choses ! On s’est donc rapidement lié d’amitié. Et un matin, je me suis réveillé avec le refrain de « Je M’En Irai » dans la tête. Je l’ai maquété et soumise à Seb qui voulait qu’on l’enregistre immédiatement. Et Dan voulait également l’écouter. C’est alors que je me suis dit, pourquoi pas lui demander de participer au morceau ? Cela paraissait logique et cela laisserait une vraie trace reliant notre album à l’histoire du château !
Concernant les concerts, est-ce que certaines choses se préparent ? Pensez-vous pouvoir organiser un concert-concept avec des décors et des projections, durant lequel « Château-Chimères » serait entièrement joué ?
On va démarrer les lives en 2023, probablement à la fin de l’hiver, voir le début du printemps prochain. On veut laisser le temps à l’album de se faire une place. En plus, avec la pandémie et les nombreux reports de concerts, c’est un peu le bazar dans les salles, on va donc laisser passer un peu de temps. Concernant le concert-concept comme tu dis, on y pense très fort et on a beaucoup de monde qui le demande. On verra en temps voulu.
Un dernier mot ?
Un grand merci à ceux qui nous ont attendus longtemps pour l’arrivée de ce disque, mais aussi pour l’incroyable accueil que vous lui réservez!
Le groupe français Malemort est enfin de retour avec la sortie, début septembre, de leur nouvel album intitulé « Château-Chimères ». Conceptuel, il retracera l’histoire de Hérouville. Une campagne de financement participatif vient d’être d’ailleurs lancé juste par là.
Un premier clip est disponible, « Quelle sorte d’homme », qui se visionne juste en-dessous :
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