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[INTERVIEW] Sofie Von Kelen (Welcome To Hell(fest)) : « En 2013, on s’est dit qu’on allait faire un album BD »

C’est en 2013 que la journaliste Sofie Von Kelen et le dessinateur Johann Guyot ont décidé de faire un album BD sur – ni plus, ni moins – que le Hellfest. L’ouvrage, édité dans toutes les bonnes librairies du coin aura fait forte impression sur la population metal, mais aussi sur quelques lecteurs curieux. Six ans et trois albums plus tard, les instigateurs de ce chouette projet ont besoin de soutien sur Ulule pour publier une Intégrale. Nous avons rencontré Sofie, qui va vous la présenter dans l’entretien qui suit :

Metal-Actus : Comment avez-vous eu cette idée de BD ?

Sofie Von Kelen : De 2009 à 2012, j’écrivais pour «Abus Dangereux», qui est un gros fanzine papier plutôt branché rock indé. Ils m’avaient embauché pour mettre une petite touche de Metal dans leur ligne éditoriale. Tous les ans, j’allais au Hellfest leur faire un live-report . Et au bout de trois ans de ce régime-là, à faire quatre pages de textes avec des photos, je me suis dit que ce serait plus drôle en BD. J’ai travaillé dans le milieu, en tant que critique, pendant 14 ans : je voyais donc ce qu’on pouvait faire en tant que «carnet de voyage». J’ai donc appelé mon ami Johann Guyot, dessinateur de BD et fan de metal, et je lui ai demandé si ça le branchait de faire ça avec moi. «Ouais mais par contre je ne suis jamais allé en festival» il m’a répondu (rires). Il a une énorme culture mais il préfère écouter ses disques chez lui. La foule, ce n’est pas son truc (rires). Je lui ai donc proposé «Ecoute, tu viens la première année, on ne planifie rien, on ramasse de la matière et tu vois ce que ça donne. Et si ça te plaît, on continue, si ça ne te plaît pas on arrête». Et on a continué. Au début, on pensait proposer une rubrique à des magazines, mais au bout de la deuxième édition, en 2013, on s’est dit qu’on allait faire un album BD. Le premier tome contient trois années, car on a mis un an ou deux à trouver notre rythme et notre format.


Donc ce côté de Johann, plutôt pantouflard et très râleur envers les festivaliers, c’est totalement vrai ?

Totalement. En fait, ça a été un atout inattendu, la bonne surprise, que son côté non
festivalier complètement halluciné de ce qu’il se passait au Hellfest faisait un excellent contre-point au mien – non pas blasé – mais habitué : je vais dans des festivals depuis que j’ai 16 ans, je suis allée sur la dernière année du Furyfest, j’ai fait quasiment toutes les éditions du Hellfest, sauf deux ou trois,.. Du coup ça a été la petite surprise que nos points de vue se répondent comme ça.

Comme on peut le voir dans la BD, vous avez pu rencontrer de nombreux musiciens. Leur avez-vous expliqué le projet ?

Oui, même s’il a fallu bien choisir les gens à qui on s’adressait : il fallait qu’ils soient sympas humainement, dont on aimait la musique, et que ce ne soit pas de trop gros groupes – on voulait des gens avec qui on aurait pu avoir des contacts privilégiés. Et ils ont tous été super curieux, ils ont adoré et ont trouvé que ça changeait. On a eu un excellent accueil de la part des groupes. Vraiment.

Comment s’en est sorti Johann pour ses dessins ? Je sais qu’il a fait quelques croquis sur place …

Effectivement, mais il n’en a pas fait énormément. Lui il récupère sa matière en faisant des croquis, en prenant des notes, avec des vagues zigouigouis (rires) qu’il retravaille après chez lui. Il y a quelques croquis qui sont d’origine. Les conditions étaient difficiles, surtout de nuit. Il faisait donc une prise de notes graphique (rires).

C’est quelque chose qu’il faisait aussi sur le premier tome ? Je trouve que son style de dessin est passé du spontané à l’affirmé.

Oui mais pas que pour «Welcome To Hell(Fest)», mais dans tout son boulot de dessinateur : il a eu une évolution dans son style de dessin à ce moment là. Sur le tome 1, il y avait beaucoup plus de croquis et des crayonnés. Sur le tome 2, il était dans une période encre, pour permettre de faire un noir et blanc assez contrasté, et sur le tome 3 il a commencé à faire des lavis, donc des encres diluées, donnant un aspect gris. C’est quelque chose qui se voit très mal sur le tome 3 car nous avons eu de gros problèmes avec l’impression, Tout ça va être retravaillé pour l’Intégrale afin que les images en lavis rendent justice à toutes les illustrations plus subtiles qu’il a fait.

Le tome 1 va garder cet aspect croquis ? Qu’est-ce que tu peux me dire sur les autres changements, les ajouts ?

Non, la seule chose qu’on va retoucher, ce sont les niveaux de gris. En ce qui concerne les autre changements, la mise en page va évoluer – on va associer des formats carrés à des formats rectangulaires, et donc on va un peu bouger les illustrations. Sinon, rien ne bougera, on va les renettoyer un peu, les traces de gomme, les notes oubliés, les trucs comme ça… Au niveau des ajouts, il y aura pratiquement 40 pages de bonus avec un retour sur les années 2018-2019, une petite incursion sur les autres festivals – le Motocultor, le Fall Of Summer – et un cahier graphique : on a pas mal de belles illustrations qui n’ont pas pu être mises sur les éditions précédentes.

Pourquoi avoir choisi Ulule pour financer votre intégrale ?

J’ai pu rencontrer Dominique Clair (à revérifier), l’un des dirigeants d’Ulule, au festival «Quai des Bulles» à Saint-Malo. Il m’a suggéré de passer par sa plateforme si jamais on avait besoin de lancer un financement participatif. Du coup on l’a pris au mot (rires). Nous sommes passé par ce biais car, tout bonnement, nous n’avons pas l’argent pour l’imprimer : on compte faire un bouquin de 300 pages, avec une couverture cartonnée et du beau papier, des choses qui ont un certain coût. C’est pour cela que ce Ulule est fondamental pour nous, car si on n’a pas ce montant là, l’Intégrale n’existera pas.

Aviez-vous décidé d’une trilogie de BD ?

Cela ne s’est pas décidé mais imposé, car on avait de plus en plus de matière au fur et à mesure des éditions. Et on a décidé d’arrêter car on avait l’impression d’avoir tout dit et on n’avait pas envie de se répéter. On s’est donc attaqué à l’Intégrale, elle va sortir pour les quinze ans du Hellfest histoire de marquer le coup. Et après, on passe à autre chose.

Avez-vous l’impression que votre BD sert, en quelque sorte, à vulgariser et expliquer le Hellfest au citoyen plus lambda disons ?

Ce n’était à la base pas notre intention de base, même si nous voulions quelque chose de très accessible et non élitiste. Nous avons d’ailleurs remarqué que beaucoup de non-metalleux achetaient notre BD, surtout sur nos stands dans des festivals comme Angoulême ou Saint-Malo ! Et quand on leur demande s’ils connaissent le Hellfest ou s’ils écoutent du metal, ils répondent par la négative ! On est content que ça plaise à tout le monde.

A propos de l’homme à poil en début de tome 1…

(Rires) Oui, ça a beaucoup étonné Johann, qui n’avait jamais mis les pieds dans un festival de Metal. Il a halluciné à quel point les gens pouvaient s’y balader à poil, les hommes comme les femmes. Il a beaucoup exprimé son étonnement sur le tome 1. Et on raconte vraiment notre vision du festival, sans essayer de faire un truc objectif.

Vous vous différenciez d’une certaine émission TV, qui va plus montrer des culs que de la vraie musique lors de ses reportages du Hellfest. On ressent la spontanéité de Johann.

A chaque fois qu’il y avait un truc qui étonnait Johann, comme les mecs qui se roulaient dans la boue, les costumes de vache, … il était là et me disait «Je ne comprend pas, il y a des trucs que je ne comprend pas (rires)».. Il faut savoir qu’il n’a quasiment pas d’amis métalleux en fait , et ce malgré sa culture métallique énorme : il a une immense collection de disque, et son père vend des disques rares, principalement des vieux trucs psychédéliques des années 1960-1970. Mais Johann ne va pas dans les bars metal, ne se traîne pas les fesses dans des festivals metal …

Et ça a changé depuis ?

Pas vraiment (rires). A part les gens qu’il rencontrent quand nous sommes sur les déplacements, mais non, il est resté fidèle à son cercle d’auteurs de BD.

Du coup la veste à patch est vraiment obligatoire ? (rires) Car sinon, je suis hors-la-loi (rires).

Non mais ça aussi ça l’a surpis ! Il a toujours eu des vestes à patchs, mais il ne les mettait qu’en concert. Mais ça l’a étonné qu’il y en ai autant, surtout des rigolotes faites sur des chemises haiwaïenne, des trucs comme ça.

Vous avez obtenu un stand sur le Metal Market du Hellfest il y a trois ans (et que vous avez toujours).

Tout à fait. Nous le partageons avec Metal Maniax. Le régisseur des stands sur le Hellfest, Guillaume, nous soutiens beaucoup, et fait en sorte que nous ayons notre stand tous les ans.
Et c’est génial d’avoir ça car cela nous permet d’avoir un rapport privilégié avec les gens. Et puis on forme une sorte de famille avec les autres stands du Market : on les revoit d’une année sur l’autre, ils ramènent leurs exemplaires dédicacés et nous les montre, ils nous présentent leurs amis, leurs enfants, ils nous amènent des bières (rires)… C’est vraiment un truc à part !

Du coup, comment allez-vous gérer l’après ? Tu vas revenir à «L’Avis Des Bulles» ?

Alors j’y suis toujours et je vais continuer mais en tant que pigiste ! Et je n’y retournerai pas en tant que rédactrice permanente, j’ai fait ça pendant 14 ans, donc ça suffit (rires). J’ai une biographie de Led Zeppelin en projet – je cherche d’ailleurs un dessinateur pour faire le côté BD. Quant à Johann, il illustre des moments clefs du rock pour un autre bouquin et travaille avec un auteur de Bordeaux, sur les anecdotes occultes du rock. On a un autre projet tous les deux du même genre, qui ne se fera pas avant un an ou deux sur le nouveau heavy, ou comment le british blues est devenu Black Sabbath.

Un dernier mot ?

Soutenez-nous sur Ulule ! On en a vraiment besoin, car on a vraiment envie que ce livre existe. Et ça va être un beau bouquin !

Pour les soutenir, rendez-vous sur leur page Ulule ici. (Fin de la campagne ce 25 octobre)

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