[INTERVIEW] Melted Space – Pierre Le Pape

A l’occasion de la sortie du nouvel opus de Melted Space, « The Great Lie », son penseur et créateur, Pierre Le Pape, nous a accordé quelques minutes d’interview. L’occasion d’échanger autour de cet album tragique qui semble être la véritable petite pépite de cette fin d’année.

Metal-Actus : Bonjour à toi et merci pour cette interview ! Comment te sens-tu avc la sortie de l’opus de Melted Space, « The Great Lie » ?

Pierre Le Pape : Je suis assez soulagé car les premiers retours sont très bons. En plus, les différents artistes presents sur cet album jouent vraiment le jeu et relaient tout ce qui se passe : par exemple Dark Tranquility a partagé le projet sur sa page officielle. Et cela me fait plaisir car, en l’occurrence, on ne leur avait pas demandé de le faire (rires).

Comment t’es venu la genèse de cet opus ?

Je ferai le parallèle avec le travail d’un réalisateur de films : j’ai écrit l’histoire avant d’avoir une longue réflexion sur les personnages, quelle orientation j’allais leur donner mais surtout, quel type de voix j’allais leur attribuer. Le nom des chanteurs concernés m’est apparu assez vite. Une fois que j’ai eu la quasi-totalité des accords de principe, j’ai commencé à écrire, en faisant du sur-mesure : ils se sont sentis très à l’aise et tous ont accepté la collaboration.

Et au niveau de la composition, c’est venu après naturellement ?

Oui, et en fait, je l’ai composé en quatre mois : cela nous a permit de nous lancer assez rapidement dans les enregistrements, dont l’organisation est un gros travail logistique (rires). On a fait la guitare, la basse et la batterie au mois de juillet 2014, puis on s’est laissé un mois pour nettoyer les pistes, afin de bien préparer la session d’orchestre. Enfin, on a réussi un tour de force assez considérable car en trois semaines, on a réussi à enregistrer l’orchestre et les chanteurs (pause). Ils sont tous venus les uns après les autres en France, et je devais également gérer les enregistrements de Kobi (Orphaned Land), David Vincent et Christine Rhodes, qui n’avaient pas pu faire le déplacement.
Une fois le tout terminé, j’ai donné mon gros disque dur à Axel, qui s’occupe du mixage de nos albums, en lui disant : « Tiens ! Débrouille-toi avec ça » (rires). La signature et le mastering se sont fait dans la foulée. Un plan sans accroc donc ! (rires).

Peux-tu nous en dire plus sur votre production ? Celle-ci est d’une qualité extrêmement rare, même chez certains groupes internationaux …

J’ai eu la chance de travailler avec un réalisateur d’album qui bosse traditionnellement pour Universal et qui m’a donné accès à de gros studio. On a donc pu faire une vraie production avec du matériel très cher (rires) mais hyper-performant. On a travaillé la production aux petits oignons (rires). Et au mixage, il n’y a eu rien à rattraper.

J’ai vu qu’Arjen Lucassen participait à ton CD. Il est dans une démarche similaire à la tienne avec Ayreon. Comment s’est déroulé votre rencontre ?

Ce titre, je l’ai écrit pour lui : c’est une de mes influences principales, et musicalement, c’est LE maître (rires). C’est un hommage très pieux de l’élève que je suis. Quand je lui ai proposé, on était en contact depuis un petit moment, et il s’est montré intéressé. Après, il était en pleine production de The Gentle Storm, donc il ne s’y est pas mis tout de suite. Mais il a pu trouver du temps, et il a tout fait en une nuit (rires). Quand je l’écoute aujourd’hui, cela me paraît iréel d’avoir le son de synthé, un solo d’Ayreon, sur une de mes compositions. Ouais c’est juste …. (rires). Je plane complètement à chaque fois que je l’écoute. Il m’a d’ailleurs dit qu’il avait beaucoup aimé le faire.

Est-ce que cela a été aussi facile avec les autres artistes ?

Il y a toujours les réputations des uns et des autres : on pense notamment à Niklas (Shining), mais en fait, cela s’est super bien passé ! Il s’est mis au service de la musique et s’est vraiment plongé dans son rôle. On s’écrit depuis très régulièrement. On m’avait également dit que Guillaume Bedos était complètement ingérable, mais il est devenu un super pote. Ce sont donc de fausses réputation. (rires). Même David Vincent, qui n’a plus rien à prouver à qui que ce soit, m’a appelé pour qu’on discute de la psychologie de son personnage. Tous ont permis au projet d’aller plus loin que ce qui était écrit au départ : les chanteurs ont donné vie à leurs personnages !

Tes personnages viennent tous de mythologies différentes. T’es-tu également inspiré des caractères de ces personnages tels qu’ils y sont décrits ?

Oui. C’était très gréco-romain sur le premier opus, là il y en a un peu plus (rires). J’ai volontairement pioché dans un spectre le plus large possible de façon à me laisser la porte ouverte pour après, et puis histoire de dire aux gens qu’il n’y a pas que des dieux grecs et romains dans la vie. (rires). J’ai fait des recherches, j’essaie de coller au mieux à la psychologie des personnages telle qu’elle est décrite dans leurs mythologies respectives, et je choisi les aspects à exploiter. Par exemple, on a un Percifal à la fin de sa vie : il a découvert le Graal et est devenu à moitié fou, complètement odieux, ce qui a un côté intéressant.

T’es-tu inspiré de plusieurs tragédies grecques sur papier ?

The Fates remplit le rôle de choeur, car il y a une volonté d’annoncer quelque chose de dramatique, comme cela se faisait dans la tradition grecque. J’ai construit l’histoire de façon qu’à la fin, on sent que le destin est en train de s’écraser sur les personnages depuis le début, et qu’il n’y a qu’une seule fin possible, dramatique. Après, je me suis laissé prendre à mon propre jeu car au départ … cela ne devait pas se finir aussi mal (rires).

Pourquoi avoir choisi de collaborer avec l’orchestre de Prague ?

Pour plusieurs raisons : c’est un orchestre dont j’ai acheté plusieurs albums, où ils reprennent des B.O. de films et souvent, je les préférais aux originales. Ils ont un son hyper-travaillé, ils ont déjà bossé avec des groupes de metal, Dimmu Borgir, Within Temptation et Septicflesh en l’occurrence. Et d’ailleurs, quand tu rentres dans la cabine de l’ingé-son, il y a la photo d’un seul groupe : Within Temptation (rires). Et quand j’ai vu ça, je me suis dit : « Ah! Je suis au bon endroit » (rires). Il y a également une donnée financière, car ils ont un rapport qualité/prix imbattable. Ils ont enregistré l’album complet en une journée ! En France, cela m’aurait coûté trois fois plus cher (rires).

Quelle est la signification de l’artwork ? Avec qui avez-vous travaillé ?

J’ai travaillé avec Hicham Addaji du groupe Strychneen Studio, qui avait déjà fait la pochette de « Between » (ndlr : sorti en 2013). Dans le cahier des charges, je lui avais dit que j’aimerai bien avoir le château de glace, car c’est un peu l’endroit pivot de l’histoire. Je voulais Titania, ainsi que les âmes qui sortent des petites bouteilles, un peu comme les bougies qui flottent dans la salle du banquet dans Harry Potter. Il fallait que cela reste dans la continuité de ce qu’il avait déjà fait. Donc je lui ai envoyé l’album en lui disant « Surprend-moi! ».

Et il t’a surpris ?

Ouais. La pochette est quasiment le premier jet. Il a mis beaucoup de temps : quand je lui ai demandé où il en était, il m’a répondu : »Ecoute, je ne peux pas t’en dire plus, mais je suis en train de reconstruire un château en vrai » (rires). Je pense qu’il a construit tout le château de derrière, élément par élément, afin d’avoir une vraie masse. Il a dû ensuite l’affaisser pour obtenir ce résultat. C’est superbe et je suis une nouvelle fois très content d’avoir retravaillé avec lui.

Vous partez bientôt en tournée avec Leaves’Eyes. Comment allez-vous procéder pour transposer l’album sur scène ?

Il y aura quatre chanteurs, ce qui est …beaucoup ! (rires). Deux hommes, deux femmes, qui ont des voix très polyvalentes donc ils devraient pouvoir recréer les interactions qu’il y a entre les personnages. D’ailleurs, ils sont en train de répéter sans moi. (rires).

Et tu as hâte ?

Oui. Ressorti de la première tournée, j’étais devenu accro (rires). J’ai joué dans plusieurs groupes avant et j’aime la scène en général. Mais c’est complètement différent quand ce sont tes propres chansons.

Et peut-on espérer un grand concert exceptionnel avec tout le monde ?

J’aimerai bien ! Mais c’est un projet qui demandera une énorme logistique, pas mal de moyens, de soutiens … Je me lancerai là-dedans un jour, mais ce n’est pas pour tout de suite. Là, je veux tourner.

As-tu d’autres projets musicaux ?

Pour l’instant, Melted Space me prend beaucoup de temps. Le prochain album de Wormfood devrait bientôt sortir, mi-2016 je pense. Mais je ne suis pas convaincu de pouvoir faire tous les lives. Après il y a des propositions auxquelles jamais je n’aurai espéré y avoir accès il y a quelques années.

Quel est ton point de vue sur la scène metal française, culturellement et médiatiquement ?

Il y a de plus en plus de bons groupes qui commencent à s’exporter et à tourner. C’est une bonne chose, on va dans le bon sens, et on commence à rattraper notre retard (rires). Le fait que Gojira soit arrivé là où ils sont a pas mal aidé. On n’entend plus dire « Ah ouais, c’est des français, c’est nul » (rires).

Un dernier mot ?

J’espère que l’album vous plaira ! Si on ne passe pas loin de chez vous, venez nous voir, on sera contents (rires). A bientôt !

Cover_greatlieHD

Laisser un commentaire