Machine à tube au succès de plus en plus phénoménal, les Sabaton reviennent ce week-end avec un nouvel opus, « The Great War », consacré entièrement, comme son nom l’indique, à la Première Guerre Mondiale. A cette occasion, nous avons pu nous entretenir avec Joakim Broden, chanteur et leader hautement charismatique de la formation. Voici le résultat d’un entretien très passionné.
Réalisé le 15/05/2019 à Paris – Merci à Olivier Garnier de Replica Promotion.
Metal-Actus : C’est la seconde fois que vous vous focalisez sur une période particulière, après « Coats Of Arms » (2010). Qu’est-ce qui vous a poussé vers la Première Guerre Mondiale ?
Joakim Broden (chant) : Je pense que c’est une question de timing : on avait déjà traité quelques événements de cette guerre sur nos précédents album, et depuis 2014, on avait cette idée de sortir tout un opus dessus. Mais il fallait juste trouver le temps et les moyens de pouvoir le faire. On a réuni une fabuleuse équipe et on s’y ait mis à une date symbolique, le 11 novembre 2018 ! .
Tu le sais peut-être, la Deuxième Guerre Mondiale est bien plus connue et parlé dans des médias et la pop culture que la Première. Pense-tu que ce nouvel album de Sabaton saura mettre en lumière cette période ?
Je l’espère dans un sens. Si tu regardes les documentaires, jeux vidéos, films, un sur dix doit être sur la Première Guerre Modiale alors que tous les autres sont sur la Deuxième ! Mais avec l’avancée de la technologie, j’espère qu’on pourra faire plus de recherches dessus. La Deuxième Guerre Mondiale a cet avantage d’être très bien documentée et- c’est bizarre à dire, et j’espère que tu ne le prendras pas dans le mauvais sens – elle est plus sexy (rires) car il est plus facile de pointer les bon gentils et les grands méchants. L’image que cette guerre renvoie est très « blanche ou noire ». C’est dommage car ce sont des guerres où il s’est passé beaucoup de choses politiquement, géographiquement,…. La carte de l’Europe n’est d’ailleurs plus la même aujourd’hui qu’avant : vous aviez l’Empire russe, austro-hongrois, germanique, ottoman … qui étaient autrefois de grandes nations mais qui n’existent plus aujourd’hui.
Y a-t-il eu certains événements que vous n’avez pas pu traiter, alors que vous le vouliez ?
Non. Et comme on a fait une chanson sur l’Holocauste, on estime qu’on peut aller vers n’importe quel sujet maintenant (rires). Mais quelques unes de nos histoires favorites n’ont pas pu être incluses dans l’album car elles ne collaient juste pas au reste des morceaux musicalement parlant. Par exemple, je pensais vraiment pouvoir faire quelque chose sur l’occupation de Bruxelles ou encore me focaliser sur le Hellfire Corner.
Peux-tu m’en dire plus sur l’artwork ?
Oui il s’agit d’un gars hongrois, Peter Sallaí, avec qui nous collaborons régulièrement. Il était d’ailleurs consultant sur ce film nommé « Lord Of Chaos », il s’assurait que les choses dites étaient vraies ou fausses (rires). On a commencé par voir le dessin de ce soldat au milieu, se couvrant le visage. Et dans un premier temps, si j’ai beaucoup aimé ce que cela renvoyait émotionnellement, j’ai détesté visuellement cet artwork. Je pensais que ce n’était pas le bon dessin à utiliser, ni même les bons tons de couleurs, que je trouvais trop proches de nos précédents artworks, particulièrement « The Last Stand », notre dernier en date.
Vous vouliez donc du changement ?
Oui. Mais en regardant toutes les idées que nous avions pour l’améliorer et cette réponse émotionnelle que nous avions tous eu, et que nous ne pouvions ignorer, on s’est dit qu’il fallait étoffer cet artwork et rajouter un arrière-plan, pourquoi pas un champ de bataille donc. Et on a développé tout ce que tu peux voir sur l’artwork d’aujourd’hui. Bien évidemment on va perdre en sexitude avec nos tee-shirts (rires) Mais la réponse émotionnelle dégagé par cet artwork et le fait qu’il colle parfaitement à notre musique me satisfait amplement.
Je m’interroge sur la sortie il y a quelques semaines de « Bismarck », qui est, si je ne m’abuse, un vaisseau de première classe chez les nazis. Le sortir au même moment que l’annonce de votre nouvel album était plutôt cocasse (rires).
On est très mauvais en communication ! En fait cela coïncidait avec notre vingtième anniversaire et nos fans nous réclamaient la sortie d’un box-set. Mais on n’avait pas envie de les pousser à la consommation (s’interromps) … Ah attend ce n’était pas ce que je devrais dire… (fait un grand sourire) ACHETEZ TOUT NOS TRUCS ! (rires), voilà qui est fait ! (rires). Plus sérieusement, nous n’avons pas envie de ressortir les mêmes albums encore et toujours, alors que les gens ont déjà la version simple chez eux. On ressortira un opus avec une bonne raison, des réenregistrements ou un remastering. « Bismarck » est l’un des sujets les plus demandés par nos fans. On s’est donc dit qu’on allait écrire cette chanson, tourner un chouette clip et mettre le tout, gratuitement, sur internet. C’était, à la base, une façon de remercier nos fans pour nos vingt ans de service. Mais ils sont trop honnêtes et ont voulu acheter ce morceau ou l’écouter sur Spotify (rires). Du coup on l’a mis en vente, il sera disponible d’ici deux semaines. On a été surpris de la réaction des gens qui voulaient l’acheter ! (rires). Mais suite à cette histoire, je pense qu’on peut réfléchir au financement d’un de nos albums par Kickstarter : on dirait juste quels seront les sujets abordés et on proposerait plusieurs versions de ce même opus
De plus en plus de groupes font ce genre de chose d’ailleurs !
Oui Oui ! Cela démocratise tout le processus autour de la production d’un album. Mais c’est nous qui restons à la barre d’un point de vue créatif. Mais je ne pense pas que nous devrions contrôler la façon dont les gens écoutent notre musique. C’est eux que ça regarde.
Autre petite chose un peu cocasse : pourquoi une cover d’Apocalyptica de votre premier single, « Fields Of Verdun » est sortie … avant le vrai single ? (rires)
On aime bien faire des teasings loufoques donc (rires). Faire faire une cover par Apocalyptica est un bon moyen pour faire de la promotion pour nous comme pour eux d’ailleurs. Et on les aime beaucoup alors ça s’est fait rapidement. On avait bien conscience que la sortie de « Bismarck » a un peu décontenancé tout le monde (rires). Mais on a fait ce pari ! Et puis on aime bien demander aux gens qui l’ont écouté s’ils avaient plutôt bien imaginé le vrai single, quelles étaient les principales différences qu’ils avaient notées … On a un peu cassé ce mythe qui veut qu’une cover soit forcément celle d’une très vieille chanson (rires).
Vous avez lancé votre promo en avril dernier en vous rendant sur les véritables champs de Verdun, en France ! Est-ce important pour vous, de vous rendre sur les lieux où l’action s’est déroulée ?
Oui et il y a deux raisons à cela : la première est de pouvoir vivre un rêve de gosse, dans les limites du respect posée par ce lieu. Nous entendions il y a quelques années l’existence de releases party plutôt cools dans des lieux atypiques, avec une écoute programmée et des journalistes vous collant aux basques reportant vos moindres faits et gestes (rires). Et moi gamin j’étais en mode « Je veux être là-bas !! Je veux entendre Twisted Sister ou Deep Purple avec le groupe et pleins de gens cools ! » (rires). Mais on ne l’avait pas fait jusque là donc c’était une première pour nous, même si on est dans le milieu depuis assez longtemps. Et avec cette opportunité d’organiser quelque chose sortant encore plus de l’ordinaire, on a foncé. Et deuxièmement, même si on reste un groupe de metal, nous sommes tous passionnés d’Histoire. C’est pour moi une valeur ajoutée aux morceaux et à l’univers de Sabaton. Bien sûr, il y en aura qui voudront juste un groupe de metal lambda, assister à des concerts, et boire des bières jusqu’à plus soif. Je n’ai rien contre ça. Mais s’il y a des personnes qui s’intéressent à nos paroles, à ce qu’elles racontent, et vont faire leurs recherches sur ce dont on parle, alors on aura rempli une partie de notre mission. A cette release party, nous avions distribué pour l’écoute des ipads avec l’explication de chacune des chansons en guise d’introduction. Et aujourd’hui, nous collaborons avec Indy Neidell qui nous aide à tenir notre chaîne youtube dédiée à l’Histoire, Sabaton History. C’était un de ces projets que nous voulions mettre en place depuis pas mal de temps aussi. On voulait apporter aux gens une meilleure compréhension de notre histoire, et du contexte à nos paroles.
En parlant de contexte, quel est celui de « The Attack Of The Dead Man » ?
C’est un titre intéressant musicalement parlant. Chris (NDLR : Rörland, guitariste) a dû la composer je pense en 2013. Elle est donc passée par plusieurs versions pour finir sur celle que tu as écouté. On aime beaucoup cette histoire, assez agressive, de ce blindé russe qui va charger et faire peur aux troupes allemandes. Mais cette chanson a fait consensus auprès de notre entourage et du groupe, notamment auprès de Pär (NDLR: Sundström, à la basse) : il aimait beaucoup nos couplets – les meilleurs qu’a produit Sabaton selon ses propres mots – mais détestait ce son de synthé. Ce son est là pour une raison, pour donner une ambiance lourde et malsaine au morceau. C’est un élément contextuel qui rend le titre différent pour nous, même si ça reste du Sabaton. Tu nous reconnaît, mais ce n’est pas ce que tu attends de nous.
Et « The Great War » ?
Alors là c’est le morceau qui sonne le plus Sabaton ! (rires) Surtout avec cette intro ! (chante l’intro), Mais quel groupe cela peut-il bien être ? (rires) Elle nous introduit de manière très discrète (rires) Les paroles ont été écrites par Pär, et aborde de multiples histoires : le regard du soldat sur le bien fondé de sa mission, le retour d’un autre auprès de sa famille après la mort de ses deux frères… C’est à moi de la chanter sur les divers tons qu’elle requiert. Je dois puiser profondément dans mes ressources vocales et émotionnelles.
Je vous ait découvert en 2010 au Hellfest où vous jouiez devant 200-300 personnes à peine. Trois ans plus tard au Summerbreeze, vous étiez l’une des têtes d’affiche et aviez joué devant des milliers de personnes. Votre succès ne fait maintenant que s’accroître. T’y attendais-tu ? Comment l’expliques-tu ?
Quand nous avions débuté Sabaton, nous n’étions pas de très bons musiciens… Nous aimions le heavy metal, nous voulions faire comme nos idoles, mais on était de sacrés débutants ! A l’époque, on avait juste notre EP à trois titres, « Fist For Fight », avec notamment « Primo Victoria » dessus. Et puis on a été repéré par ce petit label suédois, qui nous a pris sous son aile pendant pas mal de temps mais qui ne pouvait pas nous pousser en dehors de nos frontières. Et quand, en 2010, nous avons signé chez Nuclear Blast, nous avions un peu de bouteille derrière nous. Nous étions devenu compétitifs et prometteurs (rires). Grâce à eux, on a pu gagner en exposition à un moment clef de notre carrière où nous étions assez expérimentés. Je dirai même que Sabaton a réellement débuté en 2006, tellement on n’était pas bons avant. Si tu regardes d’ailleurs les vidéos de nos concerts de cette époque, tu te rend compte qu’on y survit au concert, et non qu’on le vit (rires). La première fois que je me suis senti fier d’une de nos prestations, c’était justement en 2006.
Quelle sera la prochaine « guerre » de Sabaton ?
Je ne sais pas, on a plusieurs idées, qui se concrétisent en général au moment de la composition de nos morceaux. On va là où la musique nous remporte (sourire). Concernant le sujet, deux-trois sont sérieux sur une vingtaine envisagée.
ça fait beaucoup ! (rires)
Oui, ce n’est pas comme si on allait épuiser notre filon … je pense que même en faisant un album par an jusqu’à la fin de nos vies, on ne pourrait pas tout faire.
Un dernier mot ?
Juste merci !
« 82nd All The Way » :
« Great War » :
« The Red Baron » :
« Fields Of Verdun » :