Moonspell aime prendre des risques dernièrement : déjà avec la sortie de son « Extinct » en 2015, moins extrême et plus accessible, avec un Fernando Ribeiro presque exclusivement en voix claire. Puis avec son successeur, diamétralement opposé : plus sombre, plus brut, plus viscéral. « 1755 » est aussi conceptuel, puisqu’il traite d’une catastrophe, le tremblement de terre de Lisbonne (Portugal) de 1755 justement. Et il est entièrement chanté en portugais. C’est donc avec ces infos, qui sortent, il faut l’avouer, de l’ordinaire, que nous attaquons l’écoute de cet album.
Moonspell aime bien nous chambouler, puisque « 1755 » est bien plus sombre que son prédécesseur Extinct : à commencer par la voix de Fernando, beaucoup plus vicieuse, plus grave. La guitare de Ricardo se fait bien plus abrupte, moins mélodique.
Car c’est ce qui frappe en premier sur ce 1755 : ce retour à ce son primaire et violent des membres de Moonspell, laissant les parties mélodiques aux instruments classiques (violons …) et aux choeurs, intelligemment dispatchées dans tout les morceaux, ni trop dominantes, ni trop effacées. Cela leur donne une force à la fois destructrice et sublime.
Les poils se dressent, les cheveux tournent et la magie de Moonspell opère une nouvelle fois. Le son est lui d’une qualité irréprochable : tous les instruments s’entendent de manière parfaitement nette. Une production aux petits oignons, nécessaire pour un album de cette envergure.
Cet album, pourtant n’est pas facile d’accès : au niveau des paroles, nous sommes plus dans l’histoire contée, celle d’une catastrophe humaine, et non dans le message ou l’histoire onirique. Aucun des titres ne se détache des autres, il n’y a pas de morceaux « tubes » qui pourra mieux vendre l’album. On a la une galette qui se déguste du début à la fin, d’un seul bloc. Il nous faudra plusieurs écoutes avant de pouvoir bien l’assimiler. Il est de plus en plus rare de trouver un disque avec aucun morceau qui ne soit bon pour la poubelle, enfin, pour la touche « Suivant » de vos lecteurs…
Seul petit regret : le premier morceau du CD, « Em Nome Do Medo », qui est la reprise, plus orchestrale, du même titre présent sur « Alpha Noir ». Rien de bien méchant car le morceau est très réussi. Mais cette redite n’était selon moi pas nécessaire en début d’album. Il aurait mieux valu rentrer dans le vif du sujet tout de suite, et mettre ce morceau en toute fin du disque.
Moonspell nous offre donc l’un des plus grands disques de 2017 avec ce « 1755 ». Une production de qualité qui détient un parfait équilibre entre la force sauvage, brut et sombre des membres de Moonspell, et le côté plus posé des mélodies aux violons et des choeurs. « 1755 » se déguste, se découvre, dans son intégralité. Une musique qui irait parfaitement avec un film, ou illustrerait bien un roman. Juste somptueux.
9,8/10