Amorphis linéaire ? Ou Amorphis un brin trop original ? Difficile pour les fans de se mettre d’accord tant il y a des partisans pour chacune des périodes du groupe : ceux qui dénoncent le caractère un peu trop redondant du groupe depuis l’arrivée de Tomi Joutsen en 2005, et sont ravis du virage entrepris avec la sortie de l’album « Under The Red Cloud » en 2015, et ceux, au contraire, qui affirment que les finlandais perdent leur identité musicale avec cette prise de risque et regrettent l’époque des « Silverbride » et autres « Sampoo ».
« Queen Of Time » pousse encore plus loin ce virage débuté avec « Under The Red Cloud » sans pour autant s’inscrire dans sa continuité : si le deuxième restait plus brut dans le son, « Queen Of Time » a un côté plus solennel, voire dithyrambique, grâce, notamment, au boulot de leur producteur, Jens Borgen, qui y appose sa propre patte : on retrouve des arrangements de cuivres, de choeurs et de cordes venant envelopper la musique d’Amorphis, et plus particulièrement le travail de Santeri Kallio aux claviers, qui est, du coup, particulièrement bien mis en valeur. Un épisme amplifié au service d’un album traitant de sujets plus mythologiques, la naissance et la chute de civilisations anciennes. Mais de ce fait, il en devient plus dense, et peut-être moins accessible que les autres.
L’album a un caractère bipolaire : doux d’un côté, avec des titres aux envolées lyriques tels que « The Bee » (avec en guise d’introduction une voix envoûtante féminine), voire presque sans grunt (« Wrong Direction »), violent de l’autre avec, notamment, le très sombre « Daughter Of Hate » qui montre un Tomi Joutsen très impressionnant vocalement, prenant une voix bien plus aîgue et agressive qu’habituellement. Amorphis arrive encore à nous surprendre avec des compositions variés, qui ne se ressemblent pas. En écoutant « Queen Of Time », on peut s’imaginer un film, défilant sous nos yeux. Un côté cinématique particulièrement cohérent avec la direction plus épique et progressive que prend le groupe aujourd’hui.
Seul petit reproche, le titre « Amongst Stars », situé en avant-dernier, ne colle pas au restant de l’album, et vient casser la dynamique mise en place par les autres morceaux : lancinant, ennuyeux, semblant avoir été taillé uniquement pour de la diffusion Youtube et avec une guest star de luxe, Anneke Van Griesbergen, qui fait le strict minimum.
Un petit mot pour terminer sur le packaging de l’album : soignée avec une pochette dorée, des dessins délicats et un livret bien fourni. En ces temps modernes où le téléchargement (illégal ou légal) fait légion, de plus en plus de musiciens investissent pour faire de leur galette un objet de collection de qualité. Si on peut trouver dommage le fait d’en arriver à ce point, c’est un technique qui marche et qui fait plaisir aux fans.
Bref, Amorphis arrive encore une fois à nous surprendre avec un opus dense, soigné, varié et de qualité. On sent que le groupe évolue lentement mais sûrement vers de nouveaux horizons qui ne peuvent être que bénéfiques vu le résultat qu’on a ici. Un album à regarder, à écouter, à lire et à dévorer.
9/10